L’histoire
- gregos343
- Apr 9
- 3 min read
Updated: 13 hours ago
L’histoire. La seule histoire. Tout le monde la connait depuis toujours, cette histoire.
Quand et par qui fut-elle inventée ? Difficile à dire étant donné que tout le monde la connait depuis toujours. Certes, vous la connaissez déjà – pas la peine de vous la raconter –, vous pourriez donc cesser la lecture dès maintenant, tant il serait inutile de vous rabâcher toujours la même histoire. Cependant, à ce stade de la lecture vous pourriez bien vous demandez : « mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? » Ce qui signifierait que vous l’avez oubliée. Or, tout l’intérêt de l’œuvre ici présente est de vous rafraîchir la mémoire ; si l’histoire se répète, c’est parce qu’elle ne cesse de tomber dans l’oubli.
Lorsqu’il s’en aperçut, l’auteur – oui, il y a un auteur. Vous avez déjà vu une histoire sans auteur, vous ? – l’auteur, donc, dût admettre que c’était là une histoire à dormir debout. Il décida d’y remédier.
Bang ! Il la mit en lumière, histoire d’y voir plus clair ; et tout le monde de s’écrier « ah ouiii… Je voiiis… » (en parlant de l’histoire). Mais l’auteur jugea cela insuffisant. Ni une ni deux, il se mit en quatre pour lui donner de la matière, de sorte que l’histoire ait des hauts et des bas, et du sens (ça demande du temps). La jugeant encore un peu plate, l’auteur prit alors une décision irrévocable : il donna vie à l’histoire. Après cela, il ne fit plus rien – à ce qu’on raconte (certains en doutent).
L’histoire avait pris vie, elle avait une voie, et elle fut aussitôt transmise oralement. Malheureusement, les récits se firent souvent de manière incomplète et inexacte, et l’histoire fut rapidement tronquée, segmentée, déformée… Chacun jurait connaître l’histoire bien que tous n’en donnaient qu’une version. Forcément, ça a fait des histoires.
Les plus sages – qui, eux, connaissent bien l’histoire – convinrent qu’il fallait la mettre par écrit. L’histoire serait alors gravée dans la pierre et ne serait ainsi plus sujette aux déformations que l’on rencontre dans la transmission orale. Mais même le marbre le plus dur est rongé par les mâchoires du temps, et l’histoire fut à nouveau tronquée, segmentée, déformée…. et à nouveau chacun jurait connaître l’histoire bien que tous n’en donnaient qu’une version. Dès lors, naquirent de violentes querelles pour déterminer qui détenait la vraie, l’unique et complète histoire. Des luttes sanglantes firent rage avec pour seul motif : la « vérité » – une histoire de fous quand on sait qu’au fond tout le monde connait l’histoire depuis toujours –, et des rivalités de ce genre subsistent encore aujourd’hui.
Avec le temps, certaines versions de l’histoire disparurent, tandis que d’autres furent copiées et recopiées, traduites et accordées aux lieux et aux époques dans lesquelles elles séjournèrent. D’œuvres en œuvres, elles changèrent de narrateurs, de personnages, de péripéties… elles furent transmises à l’oral, à l’écrit, sous forme de chants, de danses, de gravures, de peintures, de sculptures... Histoires vraies ou rocambolesques, on en entend parfois de belles ; mais que voulez-vous… c’est toujours la même histoire. Et si d’aucuns eurent préféré qu’il n’existât que l’histoire, la seule, unique et complète histoire que tout le monde connait depuis toujours, force est d’admettre que l’histoire a sa propre histoire.
De nos jours, nous avons l’occasion de rencontrer l’histoire sous des versions archaïques et modernes. Chacun peut trouver celle qui l’aidera au mieux à se remémorer l’histoire originelle. Cela demande une recherche patiente et appliquée pour la recomposer au complet mais, assez étrangement, il arrive quelquefois que des éléments de l’histoire nous viennent spontanément à l’esprit – puisqu’on vous dit que vous la connaissez ! –, aussi, sommes-nous en droit d’espérer que l’histoire (la seule, l’unique et complète) sera bientôt reconnue du plus grand nombre et que tous ces conflits imbéciles visant à déterminer la « vérité » seront définitivement de l’histoire ancienne.
Il n’existe qu’une histoire, une seule, commune à tous. Et s’il y en a pour douter, pour vous dire que ce ne sont que des histoires, n’en faites pas toute une histoire… car c’est leur version qu’ils défendent.
Celles et ceux qui, parmi nous, connaissent véritablement l’histoire savent pertinemment que tout ce qu’on voit, qu’on entend, qu’on sent et qu’on ressent, c’est encore et toujours l’histoire ; et qu’il est inutile de chercher à connaître le fin mot de l’histoire parce que c’est une histoire sans fin, elle se répète continuellement pour ne pas tomber dans l’oubli.
Mais ne vous y trompez pas, ce n’est pas une histoire sans queue ni tête ; la preuve en est que cette histoire, tout le monde la connait depuis toujours. La seule histoire. L’histoire.
Comments