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Le Mal

Updated: 5 hours ago

C’est peut-être simplement un changement dans mon regard… mais du jour au lendemain je me suis mise à voir le Mal, et il est partout.


Le Mal, je le vois en chacun : celui qu’on n’ose dire mais qu’on pense, celui qu’on éprouve mais qu’on dissimule, celui qu’on combat… par le mal. Naturellement, je souffre de voir aussi bien le Mal. Et puis ma mémoire me met à la torture : je ressens les maux qui m’ont été infligés par le passé, des maux que je n’avais pas entièrement saisis à l’époque des faits. De plus, comme si ce n’était pas suffisant, je me rends coupable des maux que j’ai autrefois commis et dont j’ai maintenant pleinement conscience. Du reste, depuis ce changement et malgré toute ma bienveillance, je perçois (après coup, malheureusement) le mal que je continue à commettre. Oh oui… l’enfer est véritablement pavé de bonnes intentions.

Paradoxalement, j’ai la sensation de n’avoir jamais aussi bien vu : je vois clairement ce qui est sombre. J’en ai parlé à mon époux qui me confirma que ce que je vois est bien réel, que ce n’est pas le produit d’une imagination délirante. Il admit lui aussi voir le Mal dans le monde, mais il reconnut que son regard devait être bien moins affûté que le mien, ou alors qu’il possédait une aptitude naturelle à ignorer le Mal. Cependant, il fut bien en peine de m’expliquer comment faire.


Le problème est que nul ne peut faire cesser le Mal dans le monde car, toute réflexion faite, Bien et Mal sont indissociables. Comme chaud et froid, gauche et droite, Dieu et Diable : pour qu’il y ait du Bien, il faut nécessairement qu’il y ait du Mal. Le monde est en équilibre, disent les philosophes.


Personnellement, je souhaite œuvrer en faveur du Bien – qui ne le souhaiterait pas ? – mais est-ce que cela signifie que j’œuvrerais également en faveur du Mal, indirectement, puisque Bien et Mal sont irrévocablement liés ? Pourrais-je seulement faire cesser le Mal en moi, même si cela signifie qu’il est ailleurs ? Certes, c’est égoïste. Mais si je suis bien, quel mal y a-t-il ?


Toutes ces réflexions me troublent. Du reste, je me sens terriblement seule ; car lorsque je parle de tout cela avec mon époux ou avec mes amies, je sens assez vite que ce genre de pensées les rend confus. « Arrête de te prendre la tête », me disent-ils. J’aimerais bien… mais j’ai du mal.


Je suis allée voir ma mère ; c’est quelqu’un qui compte beaucoup pour moi, une personne au grand cœur qui a toujours su être de bon conseil. Nous avons longuement discuté et je dois reconnaître que cela fait du bien d’être comprise. Elle m’a recommandé un spécialiste en précisant ceci : « il n’est pas médecin, ni thérapeute, ni guérisseur ni marabout, c’est juste quelqu’un de perspicace. Peut-être saura-t-il te venir en aide. »

Je me rendis chez lui – un peu sceptique, je l’admets – et il sut rapidement me mettre à l’aise. Nous discutâmes de choses et d’autres. Je lui parlai de ma vie, de ma famille, et de ce récent changement de perception qui me fait souffrir. Je lui dis que je voyais clair ce qui est sombre, et il sembla parfaitement comprendre. Après un quart d’heure, il me dit qu’il avait une idée pour m’aider à moins souffrir ; il me demanda alors de rester immobile quelques instants. Il prit une grande inspiration puis, avec une extrême lenteur et une infinie délicatesse, il approcha ses mains de mon visage et retira les lunettes que, habituée à porter, je ne sentais même plus. L’instant d’après, mon mal-être avait disparu.


Tout ceci reste inexplicable. Mais à dater de ce jour je suis redevenue la personne que j’étais. Certes, je n’y vois plus aussi clair, mais je n’y vois plus aussi sombre non plus ; et c’est tout ce qui importe.

 
 
 

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